Storiae

Séries photographiques

Gloria Laura Radulovic

Ces séries photographiques sont un essai de capture de ce qu’il y a d’intangible dans l’existence : le mouvement, fuyant par nature, la part invisible de la réalité quotidienne, et sa constante ouverture vers la fiction. À travers ses histoires, Gloria Radulovic nous raconte des moments de vérités suspendus, qui prennent un sens en se figeant sur le support inerte de la pellicule. Les planches photographiques sont accompagnées (ou bien éclairées) par une narration, une fiction visuelle. Les photos sont des détails, une accumulation de plans, d’instants magiques, qui entrent en résonance avec le monde intérieur de l’artiste, des mises en scène fantastiques ou encore des surprises : des enfants partent à l’aventure pour se battre contre des ennemis invisibles, se perdre dans un lac enchanté, apercevoir des hommes champignons… Par la photographie narrative, Gloria Radulovic nous introduit dans son univers métaphorique et créatif.

Le temps apaisé vient tard
Et descend sur des lèvres qui gèlent
Qu’il serait doux de le goûter
Juste un doigt

Le temps apaisé vient tard
Et descend sur des lèvres qui gèlent
Qu’il serait doux de le goûter
Juste un doigt

Par telle ou telle nuit
Qui trouverait à redire
Si une forme menue quittait sa place en silence
Pour un esprit immortel

Par telle ou telle nuit
Qui trouverait à redire
Si une forme menue quittait sa place en silence
Pour un esprit immortel

Par telle ou telle nuit
Qui trouverait à redire
Si une forme menue quittait sa place en silence
Pour un esprit immortel

Le passé calé devant l’âme
À la flamme d’une bougie
La présence d’actes disparus
À la fenêtre, à la porte

Le passé calé devant l’âme
À la flamme d’une bougie
La présence d’actes disparus
À la fenêtre, à la porte

Et toujours elle pousse un Balai tacheté,
Et toujours les tabliers volent
Les Balais peu à peu s’effacent dans les étoiles
Et toi tu t’en vas

Et toujours elle pousse un Balai tacheté,
Et toujours les tabliers volent
Les Balais peu à peu s’effacent dans les étoiles
Et toi tu t’en vas

La pivoine file ses franges.
Le rouet de l’Érable est rouge.
Saison, sœur, tempête :
Laisse-nous partir.

La pivoine file ses franges.
Le rouet de l’Érable est rouge.
Saison, sœur, tempête :
Laisse-nous partir.

Les dragons aux noms oubliés
Perte dans ce monde d’à côté
Une goutte de pluie la réveille
Le rêve se dissipe,
Elle est vivante.

Les dragons aux noms oubliés
Perte dans ce monde d’à côté
Une goutte de pluie la réveille
Le rêve se dissipe,
Elle est vivante.

J’aspire à l’air
Pouvoir des papillons
L’aptitude à voler
Divin versant de ciel

J’aspire à l’air
Pouvoir des papillons
L’aptitude à voler
Divin versant de ciel

La lame pourfend le vide
Monstre invisible
Tapi dans l’ombre de cette antre affreuse
Cette lumière sous la porte

La lame pourfend le vide
Monstre invisible
Tapi dans l’ombre de cette antre affreuse
Cette lumière sous la porte

STORIAE - NOS COMMENTAIRES

De la théâtralité de l’art visuel à la mise en scène du réel

Cette série photographique pose clairement les termes d’une réflexion sur la théâtralité de la photographie. La réalité est, par le biais du regard, de l’angle de prise de vues, l’objet d’une mise en scène. L’image raconte une histoire, un moment vécu dans le temps et dans l’espace. Le photographe devient dès lors chorégraphe, disposant les éléments dans une composition élaborée et, parfois, savamment réfléchie ou à l’affût de ce réel qui, à un moment précis, certes extrêmement fuyant, se met lui-même en scène, dans l’instant.

La photographie revêt ainsi, par bien des aspects, une grande théâtralité, un concept dont Michel Corvin, dans le Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, propose une définition : « Au sens le plus fort, la théâtralité se définit par trois traits : elle est présence (l’adresse) ; elle ne vit que d’absence (ce qu’elle figure n’existe pas) ; et pourtant elle fait en sorte que cette absence soit présence ; elle est à la fois une marque, un manque et un masque » (Éd. Bordas, Paris, 2008, p. 1339). Il devient dès lors tout à fait possible de penser la théâtralité en dehors du théâtre, et en particulier en photographie. En effet, souvent définie comme figeant le réel, l’image photographique rend cependant présent au regard ce qui est désormais absent, car passé. Lorsque la théâtralité devient inhérente à la photographie, elle joue alors pleinement son triple rôle : marquer le temps, transmettre un manque, masquer l’absence.

Publié le 31 décembre 2022 – gdc
Maquette print : Bertrand Delanlssays