BACH OU PAS BACH ?

DE L’AUTHENTIFICATION DES ŒUVRES DE BACH

La Cantate BWV 142 interprétée par l’Ensemble instrumental de la Mailänder Kantorei – église chrétienne protestante de Milan – Direction : Davide Possi. Source : YouTube

Cette cantate est-elle de Bach ?

Bach ou pas Bach ? L’authentification des œuvres de Jean-Sébastien Bach est particulièrement difficile. Le contexte dans lequel Bach écrivait explique peut-être un certain nombre de choses.
La première préoccupation du compositeur était, en effet, de fournir chaque dimanche une cantate (en 5, 6, 7 numéros) d’une durée de 15 à 25 minutes.
On peut s’apercevoir des impératifs de la création quand on sait qu’à Leipzig, la liturgie occupe tous les dimanches de l’année (sauf ceux de l’Avent et du Carême) et un grand nombre de fêtes autour de Noël, Pâques, la Pentecôte et les fêtes de quelques saints conservés dans le calendrier luthérien. Pour maintenir le rythme de production, il arrive donc que Bach fasse appel à un parent, un ami.
L’œuvre était exécutée si Bach la jugeait d’une qualité suffisante : Johan-Ernst Bach, son neveu, qui fut également son élève, est fréquemment sollicité. De même, Johann-Ludwig Bach, son cousin, est allègrement mis à contribution.
Ajoutez à cela le problème des copies. Alors, Bach ou pas Bach ? Ainsi, la cantate BWV 142 « Uns ist ein Kind geboren » pourtant répertoriée au catalogue est en réalité de la plume du prédécesseur de Bach à Leipzig : Kuhnau.

Mais, qui écrit le texte ?

Il est d’usage que le texte soit confié à un librettiste qui le rédige selon des règles rhétoriques strictes : thèse, antithèse, synthèse. Souvent, il se présente sous la forme d’un petit drame qu’il faut dénouer. Le langage est directement influencé par le choix du thème du sermon qui sera prononcé par le prédicateur. La règle première : il doit être fort et imagé. De manière très schématique, voici la structure narrative classique d’une cantate :

  • 1. Le premier chœur (ou la première aria) décrit le chrétien en proie aux péchés et à la misère de sa condition
  • 2-3 (récit et aria) Les deux parties suivantes décrivent les malheurs qui s’abattent sur l’homme (la maladie, l’orgueil…) ou sur la communauté (les infidèles, les Turcs, le Pape…)
  • 4-5 (récit et aria) Ces pièces servent d’antithèse et démontrent que seule la fidélité à Jésus (à ses commandements) nous délivrera de tous les maux décrits plus haut
  • 6. La communauté entame enfin le chœur final dans un élan de remerciement à Dieu.

Ceci n’est qu’un schéma : il y a bien évidemment des variantes.

Les chercheurs de Leipzig ont retrouvé dans les documents de la bibliothèque d’État de Nuremberg des textes de cantates signés du nom de Birkmann. Celui-ci semble avoir été un élève de Bach. Un groupe de recherches s’est mis en place. Il comprend un institut de chercheurs, une bibliothèque et le musée Jean-Sébastien Bach. L’ensemble est présidé par le chef d’orchestre britannique Sir John Eliot Gardiner, auteur d’une biographie du compositeur auquel il a consacré une grande partie de sa vie.
Non seulement, ces études nous éclairent sur l’authenticité des œuvres en levant de nombreux doutes, mais elles révèlent des pans entiers totalement méconnus de la vie du compositeur.
Dans son ouvrage Music in the Castle of Heaven, Gardiner décrit la réalité du compositeur, qui est bien loin de l’image aseptisée que l’on pourrait en avoir. Sous sa plume, on découvre, en effet, et grâce notamment aux billets scolaires, un jeune Bach à l’enfance perturbée par le climat de l’école. Des rivalités existent entre bandes de jeunes, des élèves sont harcelés, brutalisés, victimes d’actes sadiques. Cette situation médiocre de la scolarité se traduit dans les bulletins scolaires qui attestent d’absences répétées de l’écolier : 258 jours sur ses trois premières années scolaires.


Sources

Sir John Eliott Gardiner Music in the castle of heaven, a Portrait of Johann Sebastian Bach, Penguin Books Ltd, London. Ouvrage paru dans sa traduction française aux éditions Flammarion le 1/10/2014 – 775 pages – ISBN : 9782081334892
Gilles CantagrelLes cantates de Bach, Éd. Fayard, 24 mars 2010 – 1200 pages, ISBN : 2213644349.
Gilles CantagrelBach en son temps, Éd. Fayard, 5 novembre 1997 – 660 pages, ISBN : 9782213600079.